Cette tradition extrêmement populaire et vivace aux États-Unis
(et dans quelques autres pays) qui nous concerne indirectement en
tant qu'européens est en fait une manière de remercier Dieu et les
bonnes grâces accordées aux récoltes. Elle remonterait à
l'implantation dans le Massachusetts d'une communauté fuyant
l'Europe sur le Mayflower en 1621. Ce jour de célébration a été
officialisé par le président Abraham Lincoln en 1861. Il est fixé
tous les ans le quatrième jeudi de novembre et a donc eu lieu cette
année le 24.
Thanksgiving est une fête culinaire très appréciée dans tous
les foyers américains. Ce jour-là, qui précède maintenant le
célèbre "Black Friday" (soldes monstres dans les
magasins), les américains mangent traditionnellement une dinde (45
millions environ sont sacrifiées à cette occasion) accompagnée de
plusieurs plats et ensuite ils (les hommes) regardent un match de
football américain à la télé.
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Repas traditionnel de Thanksgiving |
Mais cette journée commémorative qui fêtera bientôt ses 400
ans (Trump aura cet honneur) correspond-elle vraiment à la réalité
historique ? C'est ce que nous allons voir avec Richard Maybury…
(Les photos proviennent d'internet et ne figurent pas dans l'article)
Le grand canular de Thanksgiving
Chaque année à cette époque, on enseigne à tous les élèves
américains le récit officiel de Thanksgiving, et les journaux, la
radio, la télé et les magazines y consacrent énormément de temps
et d'espace. C'est tout plein de couleurs et fascinant.
C'est aussi très trompeur. Cette histoire officielle n'a aucun
rapport avec ce qui s'est réellement passé. C'est un conte de fées,
un ramassis édulcoré et aseptisé de demi-vérités qui détournent
l'attention sur la vraie signification de Thanksgiving.
L'histoire officielle dit que des Pèlerins arrivent en Amérique
à bord du Mayflower et établissent une colonie à Plymouth pendant
l'hiver 1620-21. Le premier hiver est rude et la moitié des colons
meurent. Mais les survivants sont de robustes travailleurs pleins de
ténacité et ils apprennent de nouvelles techniques agricoles grâce
aux Indiens. La récolte de 1621 est abondante. Les pèlerins
organisent une célébration et rendent grâce à Dieu. Ils sont
reconnaissants pour le nouveau et merveilleux pays de Cocagne dont Il
les a gratifiés.
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Une image d'Épinal du premier Thanksgiving (tableau de Jean Léon Gérome Ferris) |
L'histoire officielle dit ensuite que les Pèlerins vivent plus ou
moins heureux après, commémorant chaque année le premier
Thanksgiving. D'autres colonies implantées plus tôt vivent aussi
des temps difficiles au début, mais elles prospèrent bientôt et
adoptent l'annuelle tradition de remerciements pour ce nouveau pays
prospère nommé Amérique.
Le problème avec cette histoire officielle est que la récolte de
1621 ne fut pas abondante et que les colons n'ont pas travaillé dur.
1621 fut une année de famine et bon nombre de colons ont été un
tas de voleurs paresseux.
Dans son livre
Histoire de la colonie de Plymouth, le
nouveau gouverneur local, William Bradford, rapporte que les colons
furent affamés pendant des années parce qu'ils refusaient de
travailler dans les champs. Ils préféraient de loin voler la
nourriture. Il dit que la colonie était un lieu de "corruption",
de "chaos et de grogne". Les récoltes était faibles car
"une bonne partie était chapardée jour et nuit, avant même
qu'elle soit mangeable."
Lors de la fête des moissons de 1621 et 1622, "tous eurent
le ventre bien rempli", mais seulement brièvement. La situation
prédominante durant ces années n'était pas l'abondance qu'affirme
le récit officiel, mais la famine et la mort. Le premier
"Thanksgiving" ressembla plus au dernier repas de condamnés
qu'à une célébration.
Mais les années suivantes quelque chose changea. La récolte de
1623 fut différente. Soudain, "remplaçant la famine, Dieu les
gratifia alors d'abondance", écrivait Bradford, "et la
face des choses fut changée, réjouissant le cœur de tous ces gens
qui se mirent à bénir Dieu". Par la suite, notait-il, "aucun
manque ou famine ne fut parmi eux à partir de ce jour". En
fait, il y eut une telle production de nourriture en 1624 que les
colons purent commencer à
exporter du maïs.
Que s'est-il passé ? Après la pauvre récolte de 1622,
écrit Bradford, "ils en vinrent à se demander comment faire
pousser autant de maïs que possible pour obtenir une meilleure
récolte". Ils commencèrent à remettre en question la
structure de leur organisation économique.
Elle exigeait que "tous les profits et bénéfices obtenus
par le commerce, la circulation des biens, le transport, le travail,
la pêche ou tout autre moyen" soient placés dans un stock
commun de la colonie et que "toutes les personnes faisant partie
de cette colonie prélèvent viande, boissons, habits et toutes les
autres provisions dans ce stock commun". Chacun devait mettre
dans le stock commun tout ce qu'il pouvait et ne prendre que ce qu'il
lui était nécessaire".
Cette formule, depuis le "chacun selon ses capacités"
jusqu'au "chacun selon ses besoins" fut une forme primitive
de socialisme et c'est pourquoi les Pèlerins mouraient de faim.
Bradford écrit que "les jeunes hommes les plus capables et
taillés pour le travail et le service" se plaignaient de devoir
"passer leur temps et dépenser leur énergie à travailler pour
les épouses et les enfants des autres hommes". De même, "un
homme costaud, ou aux multiples talents, n'obtenait pas plus de
victuailles et de vêtements en partage qu'un homme chétif".
Ainsi, les jeunes et les costauds refusaient de travailler et la
quantité totale de nourriture produite ne suffisait jamais.
Pour remédier à cette situation, Bradford abolit le socialisme
en 1623. Il attribua à chaque ménage une parcelle de terre et leur
dit qu'ils pouvaient garder ce qu'ils produisaient ou le vendre s'ils
le jugeaient bon. En d'autres mots, il remplaça le socialisme par
l'économie de marché et ce fut la fin des famines.
Plusieurs groupes de colons arrivés plus tôt implantèrent des
états socialistes, tous avec les mêmes terribles résultats. À
Jamestown, établi en 1607, sur le nombre total de colons arrivés,
moins de la moitié allait survivre à leur première année en
Amérique. Seul un cinquième des hommes accomplissait les travaux,
les quatre autres cinquièmes choisissant d'être des parasites.
Pendant l'hiver 1609-10, nommé "Temps de la famine", la
population passa de 500 à 60 personnes. La colonie de Jamestown fut
convertie ensuite en une sorte de libre-marché et les résultats
furent tout aussi spectaculaires que ceux de Plymouth.