Je vous avais
communiqué à la mi-mai le lien vers une webcam installée en
Estonie tout en haut d'un arbre où un couple de balbuzards pêcheurs
a établi son nid. Je ne sais pas si certains parmi vous ont jeté un
œil de temps en temps sur la webcam, mais moi je l'ai fait presque
quotidiennement, et ces beaux rapaces m'ont tenu compagnie jusqu'au début septembre pendant
mes divers travaux sur l'ordinateur. Quel privilège.
J'ai pris des
photos par impression d'écran et je vais vous raconter, en 5
épisodes, la saga 2013 de ce couple, Irma et Ilmar et de leurs trois
petits.
Avant de
démarrer, voici quelques renseignements généraux sur les
balbuzards, tels que publiés par le site http://podbete.org,
qui diffuse la webcam :
L’installation
Les couples ne se forment pas dans les
quartiers d’hiver. Sur le site de reproduction, le mâle construit
un ou plusieurs nids au-dessus desquels il parade tous les jours pour
tenter d’attirer une partenaire. La femelle va en général choisir
le nid qui lui semble convenir le mieux, mais il arrive qu’elle
reparte. Le mâle peut alors la suivre vers une autre région ou
rester pour « proposer » ses nids à d’autres femelles. Si une
femelle accepte un nid, elle participera à sa recharge (qui consiste
en fait à « rafraîchir » l’ancienne aire) avec le mâle, pour
ensuite s’accoupler sur le nid, après que le mâle lui ait proposé
un poisson.
L’aire
Le nid est installé sur un site tranquille,
élevé, offrant un large champ visuel, souvent à proximité des
lieux de pêche, mais pas nécessairement au bord de l’eau :
certains couples peuvent se déplacer sur plusieurs kilomètres pour
s’alimenter et nichent en pleine forêt, notamment dans des
clairières. Le nid est réutilisé pendant plusieurs années
successives par le même couple, même après un échec de la
reproduction.
L’aire est construite à l’aide de branches
mortes collectées sur le sol, à la surface de l’eau, ou sur les
arbres. Son centre est garni à l’aide de matériaux plus fins :
brindilles, herbes, feuilles, mousse… L’aire atteint 1 m à 1,5 m
de diamètre, parfois plus. Sa construction prend 2 à 3 semaines.
Elle est rechargée en branches chaque année. À la longue, sa
hauteur peut atteindre exceptionnellement 2 m (en région Centre, la
plupart des aires sont hautes de 40 à 70 cm). La présence d’aires
anciennes conditionne en partie le succès de la reproduction.
La ponte
La ponte compte 2 à 3 œufs, pondus avec un
intervalle d’un jour entre chaque œuf. Plus rarement, des pontes
de 4 œufs sont observées, d’autres d’1 seul. Comme tous les
rapaces diurnes, ils ne font qu’une nichée par an.
L’incubation
L’incubation, prise en charge par les deux
parents (surtout par la femelle), dure 37 jours en moyenne entre
mi-avril et début mai. Les éclosions n’ont pas lieu en même
temps, mais les unes après les autres. Les poussins sont nidicoles,
c’est-à-dire qu’ils naissent incapables de se déplacer et de se
nourrir par eux-mêmes. La femelle reste au nid en permanence pendant
les 10 premiers jours, réchauffant les jeunes. Elle continue à les
protéger si nécessaire par mauvais temps jusqu’à 28 jours. Elle
se contente ensuite de garder le nid, perchée non loin, et abrite sa
progéniture du soleil en lui faisant de l’ombre avec les ailes
ouvertes.
L’élevage des jeunes
Les poussins sont nourris par la femelle, le
mâle se chargeant d’apporter les proies au nid : de 4 poissons par
jour durant les 10 premiers jours, à 4-5 durant les 10 jours
suivants, pour atteindre 5 à 7 poissons jusqu’à l’âge de
l’envol, qui a lieu quand les jeunes ont en moyenne 51 à 53 jours
(en juillet-août). Le mâle passe alors souvent en vol près de
l’aire, avec une proie dans les serres pour inciter les jeunes à
quitter le nid.
Après l’envol, les parents les nourrissent
durant encore un bon mois. Les jeunes sollicitent surtout le mâle,
qu’ils observent pêcher. Ils ne seraient capables de pêcher
correctement que 7 semaines après avoir quitté le nid, où ils
reviennent dormir pendant quelques jours à quelques semaines. Le
mâle y apporte encore régulièrement du poisson vivant.
La
famille peut rester unie jusqu’en automne (jusqu’en juillet-août
dans le Centre). La femelle quitte le site de reproduction la
première, suivie de peu par les jeunes. Le mâle part le dernier.
Statut de l’espèce
Dans les années 1950-1970, le balbuzard a
été menacé d’extinction dans plusieurs régions du monde,
l’espèce n’étant pas capable de produire assez de jeunes pour
maintenir ses populations. Ceci était dû à la fragilisation des
œufs à cause d’une accumulation de DDT dans l’environnement.
Depuis l’interdiction du DDT dans de nombreux pays au début des
années 1970, jointe à la diminution des persécutions, le
balbuzard, tout comme d’autres espèces menacées d’oiseaux de
proie, est en train de reconstituer ses populations.
En France
Disparu de France au cours du 19ème siècle,
le rapace avait trouvé un dernier refuge en Corse, où il ne
subsistait que 3 couples en 1974. La forêt d’Orléans au Nord de
la ville d’Orléans, dans le département du Loiret, accueille
depuis les années 1980 la nidification du Balbuzard pêcheur,
marquant le retour du rapace en France après des décennies de
déclin.
Les deux noyaux de populations sont désormais suivis par
la mission Rapaces de la Ligue pour la protection des oiseaux. Le
noyau en région Centre compte une vingtaine de couples reproducteurs
et en moyenne 25 couples reproducteurs pour la population Corse. La
population continentale commence très lentement à essayer de
reconquérir certains secteurs. En 2005, un couple de balbuzards a
réussi une première nidification en Île-de-France dans l’Essonne,
soit à 85 km du noyau de la région Centre. Le couple, toujours
présent en 2006, a produit cinq jeunes à l’envol en deux saisons.
D’autres essais d’installation se sont pour le moment soldés par
des échecs, par exemple en Maine-et-Loire, Bretagne,
Provence-Alpes-Côte d’Azur.
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Pour le couple que vous allez découvrir, les oiseaux sont bagués et le mâle
porte un émetteur entre ses ailes (objet blanc bien visible sur
certaines photos) pour un repérage par satellite, qui, dans le cadre
d'un recensement de ces rapaces, permet de les suivre dans leur
migration.
Pas toujours facile d'aller installer une webcam ou d'aller baguer les petits :
Voici pour les oiseaux qui nichent en
Estonie l'été le trajet accompli (quel voyage ! Mais il se fait par étapes) :
Dans le prochain article, les premières photos.